Esclavagisme moderne : le fléau libyen

Esclavagisme moderne : le fléau libyen

Après la diffusion d’une vidéo choc où des migrants sont mis à la vente, les débats sont relancés sur la situation anarchiste de l’Etat libyen.

Le 14 novembre dernier, la chaîne CNN rendait publique une vidéo tournée par une de ses équipes en Libye. Cette vidéo filmée dans un lieu inconnu, montrait des migrants africains vendus aux enchères. Ceux-ci n’avaient pas pu traverser la Méditerranée et étaient retenus de force par des trafiquants, qui les revendaient comme esclaves. Le supposé vendeur, se trouvant hors-champ de la caméra, vente les qualités physiques d’un des jeunes hommes. Jeune homme qui sera finalement vendu pour sa force de travail pour environ 740 euros. La vidéo n’est que la confirmation des ventes d’êtres humains qui s’exercent en Libye. En effet, la chaîne américaine avait déjà reçu, en août 2017, une vidéo similaire filmée clandestinement.

Cette situation désastreuse dure depuis la mort de Mouammar Kadhafi. L’ancien dictateur exécuté en octobre 2011 a laissé le pays en proie aux djihadistes de l’État Islamique et la population libyenne face au chaos, qui en vient presque à regretter le régime dictatoriale. Les passeurs ont profité du vide sécuritaire et d’une impunité totale pour construire un passage migratoire clandestin important vers l’Italie, qui se trouve à seulement 300 kilomètres des côtes libyennes. Tout cela malgré la contribution de la Libye à la maîtrise des flux migratoires en provenance de l’Afrique noire et à destination de l’Europe. Dans la ville de Syrte, où cette situation désastreuse est la plus marquée, les conditions de vie de la population se sont énormément dégradées depuis maintenant six ans. De plus, l’Occident s’est retrouvé impuissant face à cette société libyenne complètement déstabilisée par l’islamisme radicale. Rebondissement cette année avec la déposition d’une plainte contre l’ex Président de la République, Nicolas Sarkozy, par des associations africaines, pour ces actions menées en Libye quand il était encore au pouvoir. Ces associations lui reprochent notamment la mort de plus de 50 000 personnes causée par un changement brusque de régime.

Cependant, des organisations telles qu’Amnesty International, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) ou encore les MSF (Médecins sans frontières) soulignent qu’elles avaient tiré la sonnette d’alarme depuis déjà plusieurs mois sur la situation en Libye, dénonçant les viols, les tortures et l’esclavagisme subis par des milliers de migrants africains. Ces mêmes ONG affirment que ces pratiques étaient connues des organisations internationales et des dirigeants politiques depuis un certain temps.

Ces nouvelles révélations ont provoqué un réveil des gouvernements et un soulèvement des populations. Le Président Emmanuel Macron s’est exprimé sur le sujet, qualifiant ces actes de « crime contre l’humanité » suivi de sa rencontre à l’Élysée avec le président guinéen. Ainsi, le jour même, la France a demandé au Conseil de Sécurité des Nations Unies, une réunion « expresse » pour discuter de la vente de migrants en Libye. Le ministre des Affaires

étrangères, Jean-Yves Le Drian, a également pris la parole ce mercredi devant l’Assemblée Nationale : « Nous souhaitons que le Conseil de sécurité s’entoure des avis publics de l’Organisation internationale des migrations et du Haut commissariat aux réfugiés, pour que ces deux organismes des Nations unies rendent public l’état réel de la situation en Libye, dont fait partie la traite des migrants », a-t-il expliqué. Ce samedi encore, des manifestations ont eu lieu à Paris, Lyon et Marseille où des centaines d’habitants se sont retrouvés dans les rues pour protester contre ces pratiques inhumaines perpétrées en Libye. A coup de banderoles et de pancartes barrées de slogans, les manifestants se sont indignés de la situation, dénonçant le « film d’horreur » qui se déroule dans ce pays de l’Afrique du nord. Debout à l’arrière d’un camion, « Non à l’esclavage ! », « Nous ne sommes pas des marchandises ! » crient des manifestants scandés au micro.

Mais c’est encore en Afrique où l’indignation et la colère restent les plus fortes. Les présidents de Guinée, du Sénégal ou encore du Rwanda ont été les premiers à exprimer leur choc face aux images de la CNN, demandant l’ouverture d’une enquête auprès de l’Union Africaine et de l’Organisation des Nations Unies. Certains dirigeants ont également demandé que le sujet soit mis à l’ordre du jour au Sommet de l’Union Africaine et l’Union Européenne des 29 et 30 novembre à Abidjan.

Alors, dans cette situation très complexe, qui laisse la place à de nombreuses interrogations sur l’avenir du pays, peut-on condamner la Libye sans incriminer le rôle de la France et des pays occidentaux ?

Source : Reuters, Hani Amara. Migrant dans un centre de détention à Gharyan, ville côtière en Libye, octobre 2017.

Clémence D. 1ES2.

Le 27 novembre 2017.