Édito : Mais quand Platov en aura-t-il assez ?

Édito : Mais quand Platov en aura-t-il assez ?

Le dimanche 18 mars 2018, les résultats sont tombés et c’est sans surprise qu’avec plus de 75 % des voix, Vladimir Poutine s’est fait réélire à la tête de la Russie. L’homme qui à la fin de son nouveau mandat atteindra les plus de 70 ans, va-t-il un jour se décider à passer le pouvoir ?

Sans suspens

Le peuple russe n’était pas très enthousiaste à la vue de ces nouvelles élections avec sans contestations une victoire déjà assurée du président sortant dès le premier tour. Et ce n’est sûrement pas ses adversaires qui allaient faire peur à Poutine. En effet, seul le faible taux de participation aurait pu fragiliser la légitimité du président. Il est vrai que Vladimir Poutine faisait office de compétiteur hors catégories pour ce scrutin, celui-ci ne s’étant même pas donné la peine de participer aux débats télévisés avec ses concurrents. Car oui il existait quand même 8 autres compétiteurs face au Champion. Cependant, certains candidats ont longuement été critiqués pour leur manque d’objectivité ou encore leur possible proximité avec Poutine, ne servant alors que de poudre aux yeux en guise de semblant d’opposition. C’est notamment ce qui à été reproché à Ksenia Sobtchak, ex-star de la télé-réalité russe et reconvertie en femme politique depuis quelques années. En effet, elle est la fille de l’ancien maire de Saint Petersbourg, Anatolie Sobtchak qui n’est autre que l’homme qui a lancé l’ex agent du KGB en politique. Mais un autre candidat a eu la chance de réaliser le score le plus élevé face à Poutine, il s’agit de Pavel Groudinine. Ce multimillionnaire est à la tête du premier exportateurs de fraises du pays et représentait le Parti Communiste de Russie.

Mais comme par hasard, quelques jours avant le premier tour, d’étranges révélations sont faites sur des comptes bancaires que Groudinine posséderait en Suisse.

Le principal concerné dément ces rumeurs et accuse en retour le Kremlin, qui diffuserait ces fausses informations dans le seul but de mettre fin à sa candidature. Par ailleurs, celui qui aurait pu être l’opposant 2.0 de Vladimir Poutine, l’avocat Alexeï Navalny, s’est vu refuser sa candidature suite à une condamnation, qu’il conteste totalement. Le principale rivale politique du Président, leader des manifestations contre Poutine, avait appelé (en vain) au boycotte des élections. Ainsi, le Trône de Russie semble être marqué au fer rouge par les initiales de Vladimir Poutine.

Toujours plus de pouvoir

Permettez moi de rappeler que Platov – qui était le surnom de Vladimir Poutine durant sa jeunesse – n’est pas un débutant puisqu’il en est déjà à son quatrième mandat présidentiel. C’est en 2000 qu’il pose ses fesses sur le trône pour la première fois, prenant ainsi la place de Boris Eltsine, qu’il avait officieusement choisi comme successeur. Après huit ans au pouvoir (soit deux mandats consécutifs), Poutine se heurte à la constitution qui interdit de concourir pour un troisième mandat, et se voit donc contraint de laisser sa place. Mais Platov feinte pour rester au pouvoir ; de 2008 à 2012, il n’est que chef du Gouvernement sous le pouvoir de son « protégé » Dmitri Medvedev, dont il avait honorablement contribué à l’élection en 2008, en lui apportant un appui non-négligeable. En retour, lors des élections de 2012, Medvedev soutient son mentor Poutine qui se fait légitimement élire, puis celui-ci nommera Medvedev premier ministre : échange de bons procédés ! Désormais de nouveau sur le Trône ultime jusqu’en 2024, Vladimir Poutine comptabilisera un quart de siècle à la tête de la Russie à la fin de ce nouveau mandat.

A l’heure du bilan

Après ces 4 mandats à la tête de la Fédération de Russie, le bilan de Poutine reste plus que mitigé. Malgré un taux de chômage en baisse, passant de 10 % en 2010 à 5,5 % en 2018 ainsi qu’un taux de suicide qui se rapproche doucement des statistiques européennes et une démographie en augmentation, tout n’est pas rose dans la Russie de Platov. Tout d’abord, concernant le problème de corruption, Poutine n’a pas vraiment arrangé les choses et la Russie reste l’un des pays les plus corrompus du monde. De plus, la « Mère Patrie » n’est pas connue pour son respect des libertés individuelles ; la loi de 2013, par exemple, interdit «  la propagande de l’homosexualité auprès des mineurs », comme affirmer que l’homosexualité est naturelle ou que l’être n’est pas une perversion. Puis du point de vue économique, la Russie qui vient à peine de sortir de la récession, reste en difficulté et tente de retrouver la croissance. En outre, les échanges avec les pays étrangers ne cessent de chuter et des sanctions internationales continuent de tomber sur la Russie suite à l’annexion de la Crimée. Souvenez-vous, en janvier 2014, l’invasion de troupes armées pro-russes et de l’armée fédérale de Russie en péninsule de Crimée, près de l’Ukraine, avait provoqué une crise diplomatique internationale. Ces tensions se sont soldées avec une « victoire russe », c’est-à-dire le rattachement de la Crimée et de Sebastopol à la Russie. Enfin, les dépenses militaires du pays ont explosé ces dernières années, ce qui est par ailleurs très contestable du point de vue diplomatique et déstabilise énormément le budget de l’État.

Source : Wikimedias commons

Le déni

« Notre Nation est un centre de paix et notre président est le meilleur au monde »  :paroles d’un homme, le soir de la victoire de Vladimir Poutine, où devant les murs du Kremlin, des milliers de personnes étaient venues célébrer la victoire de celui qu’ils considèrent comme leur héro.

De notre œil extérieur d’européen, on peut parfois avoir du mal à comprendre comment un tel engouement peut exister derrière Poutine, et malgré l’opposition et les nombreuses ONG dénonçant des fraudes et irrégularités dans les résultats, une bonne partie de la population reste enthousiaste derrière leur Leader. En effet, pour eux, Poutine a rendu à la Russie toute sa grandeur et sa fierté, après une URSS tombée en ruine et humiliée. A leurs yeux, Vladimir Poutine a refait de la Russie une grande puissance internationale.

Mais, dans une Russie encore fragile où il s’auto-proclame seul espoir, Poutine le Terrible semble indétrônable.

Clémence.D. 

Le 26 mars 2018.