Collection Lambert : un été au carrefour des points de vue

Collection Lambert : un été au carrefour des points de vue

Du 5 juillet au 4 novembre, le musée avignonnais héberge trois expositions ; « Les Veilleurs » de Claire Tabouret, « Anatomies du pouvoir » de Christian Lutz et « Ligne, Forme, Couleur » d’Ellsworth Kelly. A quelques jours de la fin, un retour sur cet été à la Collection Lambert s’impose  afin de profiter de ces trois expositions originales et complémentaires. 

Lignes, Formes, Bonheur

Autour de 54 estampes, le musée d’art contemporain la Collection Lambert expose du 5 juillet au 4 novembre des chefs d’œuvre du célèbre peintre américain Ellsworth Kelly. Une donation à l’Institut National d’Histoire de l’art nommée « Ligne Forme Couleur ». Très lié à la France, en tant que soldat lors de la Seconde Guerre mondiale, en tant que peintre, et à travers ses relations avec ses maîtres Picasso, Calder, Brancusi, Arp, cette exposition était une évidence à la Collection Lambert, car elle fait écho à de nombreuses œuvres minimalistes et abstraites exposées ici, signées  Ryman, Maiden ou LeWitt, Pour Kelly, de grandes salles sont privilégiées afin de mettre en valeur l’explosion de ses couleurs,  lignes et formes, pourtant simples en apparence. La quête de l’épure, de l’équilibre et de l’intensité des sensations cherchée par l’artiste est ici parfaitement retrouvée dans son renouvellement des possibilités de l’abstraction. Ces toiles et croquis dupliqués créent des liens inédits. Une exposition exceptionnelle à découvrir de toute urgence.

Politique artistique

Avec son exposition « Anatomies du pouvoir » le photographe suisse Christian Lutz poétise la politique. A travers une habile combinaison entre reportage et œuvres d’art, l’artiste présente du 5 juillet au 4 novembre son travail documentaire et esthétique. Christian Lutz vient nous interroger sur notre relation au pouvoir dans le monde  avec plusieurs séries de photos comme

Protokoll, réalisée en 2007, qui s’intéresse aux coulisses de la politique internationale et aux déplacements de délégations diplomatiques ; Tropical Gift, réalisée en 2012, qui reflète les conséquences néfastes du commerce du pétrole au Nigéria ; ainsi que  In Jesus’ Name, réalisée aussi en 2012, montrant le quotidien d’une communauté évangéliste. Au sous-sol de la Collection Lambert, l’ambiance colorée et épurée d’Ellsworth Kelly s’est envolée.

Le silence est comblé par une mélodie stressante. Les étroites salles aux murs blancs mettent sur un piédestal ces clichés qui, pourtant, racontent les failles de nos sociétés contemporaines. Une prise de conscience est bien présente chez les visiteurs, qui, transportés par certaines œuvres, admirent ce travail sans mot dire. Christian Lutz dénonce à la perfection la politique internationale parfois controversée. Encore mieux que certains discours politique !

Ambiance déconcertante

Introduisez-vous le temps d’une visite au musée dans l’univers étrange de la peintre Claire Tabouret. Résidant en Californie, cette jeune femme de 35 ans expose au deuxième étage de la Collection de grands portraits de groupes, d’enfants, d’adolescents, et d’adultes sortant d’un mirage artistique. Carnavaliers, veilleurs, personnages sous camisole : d’étranges créatures imaginaires nous regardent fixement. Pourtant bien entourés, il émane de ces être irréels une solitude multiple. Du bout de son pinceau aux éclats de peinture, Claire Tabouret déploie des œuvres aussi énigmatiques que colorées. Celles-ci sont entourées par une série de céramiques d’enfants tout droits sortis d’un conte. Cette exposition admirable et intrigante projette ainsi l’avenir solitaire des enfants de nos jours, qu’on a notamment retrouvés cet été sur l’affiche officielle du 72ème Festival d’Avignon.

 

3 questions à …

Stéphane Ibars

responsable de la programmation artistique. des relations publiques et de la programmation culturelle de la Collection Lambert.

 

Pourquoi avoir choisi d’allier les œuvres de Christian Lutz, d’Ellsworth Kelly, et de Claire Tabouret pendant la même période au musée ? 

 La programmation de l’été a été conçue de telle sorte qu’elle doit refléter les courants de la création actuelle et s’inscrire dans la ligne éditoriale soutenue par la Collection Lambert depuis son ouverture en 2000. La programmation est d’ailleurs plus complète encore car pour la première fois, à côtés de ces trois grandes expositions temporaires, une exposition du fonds permanent s’installe dans l’hôtel de Caumont qui sera désormais toujours dédié à cet effet. L’exposition historique d’Ellsworth Kelly permet de montrer les oeuvres d’une grande figure de l’art abstrait américain, par ailleurs absent de la Collection Lambert mais dont certains liens avec les artistes qui constituent notre fonds sont indéniables ; notamment Sol LeWitt à qui nous consacrons cinq salles entières. Claire Tabouret est le symbole d’un retour à la peinture chez la jeune génération. Christian Lutz lui, permet de mettre en lumière la complexité de l’approche photographique aujourd’hui. 

L’exposition se termine le 4 novembre. A t’elle bien fonctionné depuis le 5 juillet? Quel est le bilan? 

La fréquentation de l’exposition est stable par rapport à celle de l’an passé. Ce qui est encourageant mais nous devons sans cesse augmenter la fréquentation. 

Depuis quand prépariez-vous ces expositions ?  Quelles sont les différentes étapes pour les réaliser?

Du fait du changement de direction à la tête du musée, ces expositions sont entrées en préparation seulement en février 2018. 

Comme souvent, l’équipe a réussi un véritable tour de force pour réunir ces œuvres venant parfois de très loin. Cela commence par la rencontre avec un travail ou un artiste (Christian Lutz, Claire Tabouret) et le sentiment qu’il est nécessaire de présenter des œuvres qui racontent ou produisent des rapports au monde que nous souhaitons partager avec le public. L’idée qu’elles s’inscrivent aussi de manière évidente dans notre vision de l’art, ou qu’elles nous surprennent et nous donnent envie de regarder de plus près le champ de possibles qu’elles ouvrent pour nous et pour le visiteur. Ensuite il faut discuter avec l’artiste, les galeries qui le représentent. Echanger sur ce que nous souhaitons montrer, établir une liste d’œuvres, trouver les provenances (collectionneurs, institutions, etc.). Il faut ensuite imaginer leur placement dans l’espace du musée, parfois réaliser des simulations 3D. Nous contactons les prêteurs potentiels et s’ils acceptent signons un contrat de prêt. Enfin nous contactons des entreprises de transport pour que les œuvres arrivent et notre compagnie d’assurance. Une fois tout déballées, notre conservateur restaurateur constate que les peintures et sculptures sont dans le même état qu’avant leur départ. Nous vérifions avec l’artiste que notre plan d’accrochage fonctionne. Pendant ce temps, la campagne de communication avec la presse et dans l’espace public est lancée. Il ne nous restera plus qu’à organiser le vernissage et inviter les partenaires, les artistes et le public.  

Iman.B, 1ES2, novembre 2018.