Dans la salle, tout le monde vous entend crier.

Dans la salle, tout le monde vous entend crier.

Le mercredi 13 mars, la classe de 1èreES2 s’est rendue au cinéma Utopia dans le but de redécouvrir un classique du cinéma et un pilier du paysage horrifique actuel : Alien, le huitième passager. Pas d’inquiétudes, cette critique ne contient pas de spoilers.

Il y a des des films emblématiques du cinéma qui marquent les esprits à jamais. Dans les grands noms du cinéma horrifique des seventies on pense directement à des œuvres comme Shining, L’exorciste, Halloween, Black Christmas, Massacre à la tronçonneuse mais aussi et surtout à Alien. Les années 70 ont été marquées par l’arrivée à l’écran de nombreux tueurs psychopathes, à travers le slasher – sous-genre du cinéma d’horreur inspiré des giallos italienset qui verra ses codes être démocratisés par ces nouveaux films mais surtout par le Halloween de John Carpenter. Au milieu de cette vague de longs-métrages arrive cet alien, créature effrayante tant elle est omniprésente par son absence, et allant terroriser et marquer des générations. Alien sort en 1979, un pari de science-fiction et d’horreur risqué certes, deux ans après la sortie du premier opus de la saga Star Wars et en pleine émergence du slasher, mais réussi puisque le film sera un véritable succès et s’inscrira comme un pilier du cinéma d’horreur. Alien, le huitième passager est un film marquant de son époque mené au sommet par son réalisateur Ridley Scott, son héroïne Sigourney Weaver et sa charismatique créature.

Affiche du film Alien, le huitième passager (1979) https://static.films-horreur.com/2015/06/mDG8r5LcGfsR2DZfSOpG1Cvung4.jpg

Un pilier du cinéma horrifique

Alien est un film d’horreur et de science-fiction américain où l’on suit les aventures de cinq passagers en mission commerciale de routine qui, durant le voyage de retour d’un immense cargo spatial, sont tirés de leur léthargie dix mois plus tôt que prévu par « Mother », l’ordinateur de bord. Ce dernier a en effet capté des signaux sonores dans le silence interplanétaire, et suivant une certaine clause du contrat de navigation, les astronautes sont chargés de prospecter tout indice de vie dans l’espace. Là où ce long-métrage se différencie des autres de la grande vague des films d’horreurs des années 70, c’est qu’il n’arrive pas avec un tueur en série à apparence humaine, mais avec une créature jamais vue jusqu’alors au grand écran, reprenant cependant certains codes de ces Michael Myers ou autres Leatherface, véritables stars de leur époque.

L’emblématique créature de la saga Alien. https://www.espritcine.fr/wp-content/uploads/2018/02/1-ouverture-min-e1519076896581.jpg

En effet, l’alien n’a certes pas une apparence humaine, mais il reprend certains traits de caractère de ces derniers, cette incarnation du mal que l’on ne peut éliminer ayant toujours un temps d’avance sur les spectateurs ainsi que les personnages, cette menace terrifiante et omniprésente sur la durée démunie de toute émotion et ne pensant qu’à tuer. Par certains aspects, le film fait penser au sous-genre du slasher puisque nous avons un tueur impitoyable en la personne de l’alien, un groupe de personnes qui se voit envahi par une menace dans un environnement qui leur est connu ainsi que des morts violentes ; mais Alien n’en est pas un, ne serait-ce que par l’absence de l’emblématique groupe d’adolescents victime de ce fameux cruel puritanisme ainsi que l’absence d’un tueur masqué à apparence humaine, de préférence amoureux de l’arme blanche. Le xénomorphe est la création de H.R Giger, Dan O’Bannon, Carlo Rambaldi et Ronald Shusett, qui appuyaient la créature sur une métaphore du viol, reliant mort et sexualité. Cette idée est par exemple présente dans une scène où l’alien assassine l’un des personnages en l’attrapant avec sa queue puis en l’introduisant entre ses jambes, mais également à chaque fois qu’il tue avec l’érection de sa langue à la forme phallique hors de sa gueule. L’alien est imbattable, surpuissant par sa carrure impressionnante à la fois organique et mécanique, et il est de plus en plus dangereux avec sa substance acide destructrice produite lorsqu’il est touché : il est l’incarnation du mal et vous ne pouvez pas tuer le mal, il reviendra quoiqu’il arrive. Le xénomorphe représente cette forme de menace omniprésente sur la durée, pouvant se trouver n’importe où et très peu visible aux yeux du spectateur et à ceux des personnages.. Les héros comme le spectateur ne sachant jamais quand elle va passer à l’action, une aura s’est alors créée autour d’elle, une aura de peur et d’inquiétude car elle surprend à sa guise les personnages ainsi que le spectateur qui se verra envahi dans son espace connu par le xénomorphe.

La langue phallique de l’alien. http://www.cridutroll.fr/wp-content/uploads/2014/10/original.jpg

La créature a toujours une longueur d’avance sur nous comme sur les protagonistes, ajoutant une inquiétude supplémentaire puisqu’elle peut se cacher n’importe où, en n’importe qui et en surgir à tout moment. Le mal est partout, peut être même en les héros du film et une interrogation systématique se crée alors envers eux ; sont-ils porteurs de la menace ? Puis-je leur faire confiance ?

La mission des héros est de ramener la cargaison de minerai, mais la plus importante est de ramener toute forme de vie étrangère détectée, sur Terre. L’intelligence artificielle du vaisseau, « Mother », est censée les aider dans cette quête mais devient rapidement leur ennemi en se concentrant uniquement sur la mission la plus importante, étant également programmée pour celle-ci. Ils découvrent également la vérité sur l’un des personnages de l’équipage, évènement qui vient consolider l’idée que la menace peut être de partout et qu’il faut donc se méfier de tout le monde. Le vaisseau Nostromo dans lequel ils se trouvent est, quant à lui, personnifié avec de la fumée, de l’humidité, des structures de cylindres et des tuyaux faisant penser à des boyaux, représentant un organisme vivant où les personnages sont piégés, et où le monstre s’intégrera très facilement en y connaissant les moindres recoins pour y surprendre les personnages. Cet environnement leur devient ainsi hostile mais impossible à fuir car ils sont dans l’espace, et se retrouvent bloqués, étouffés dans cet endroit restreint, souligné à l’écran par les plans étouffant de Ridley Scott notamment dans les conduits du vaisseau. On en vient donc à s’interroger sur qui est vraiment l’étranger dans ce vaisseau : l’alien qui arrive d’une autre planète, ou les humains se retrouvant dans un endroit qui leur est hostile par la forme d’alliance entre le vaisseau et une forme de vie étrangère.

Des personnages empathiques et une nouvelle forme d’héroïne débarquent

Les personnages du film sont de véritables symboles empathiques dû à leur ordinaire auquel le spectateur s’identifie facilement. Le film dégage un contraste marqué entre les héros de la vie de tous les jours et les choses extraordinaires qu’ils vont subir durant leur aventure. Les sept protagonistes incarnent chacun une personnalité différente donnant ainsi une palette de personnalités au spectateur qui choisira celles qu’il préfère. Le récit nous est introduit par le réveil précoce des personnages qui, tout comme le spectateur, ne savent pas encore pourquoi ils se font réveiller par l’intelligence artificielle, et nous plaçant ainsi encore plus proches d’eux. Le spectateur est continuellement dans la découverte, parallèle de ce que découvrent les personnages en même temps que nous tout au long du long-métrage et, avec ce procédé, il est plus facile de s’attacher au film, d’en ressentir les émotions et de toujours vouloir en savoir plus. Tout cela va de paire avec l’envie de faire des personnages toujours plus proches du réel, pour que le spectateur s’y identifie, les apprécie, et qu’ils ne soient pas juste des figures passagères oubliables disparues des esprits au bout de quelques années. Mais le héros principal du film se détachant des autres de par sa personnalité, ses actes, son temps d’apparition à l’écran est Ellen Ripley jouée par Sigourney Weaver dans les quatre premiers films de la franchise. James Cameron se servira notamment de celle-ci pour créer la tête d’affiche de la saga Terminator : Sarah Connor, et sera engagé pour réaliser Aliens : le retour en 1986. A la base, Ridley Scott voulait instaurer un personnage masculin fort autant moralement que physiquement, empathique, mourant à la fin du film puis finalement féminin suite aux conseils du patron de la Fox, et c’est ainsi qu’il engagea une actrice au court passé de trois films, pour construire les fondations de l’une des plus grandes franchises du cinéma. On croit au personnage de bout en bout, le rôle de femme forte et héroïque colle parfaitement à Sigourney Weaver et son physique androgyne ; elle fait partie des héroïnes marquantes de son époque avec Laurie Strode (Halloween), Sally Hardesty (Massacre à la tronçonneuse) ou encore Wendy Torrance (Shining). Elle est la figure emblématique de la saga Alien, son propre code établi la rendant indispensable aux films de la franchise si bien que la ressemblance avec le personnage de Daniels dans Alien Covenant reste quand même très frappante. Son excellence dans le rôle d’Ellen est sûrement dû à sa gestion par le réalisateur anglais Ridley Scott.

Ellen Ripley, jouée par Sigourney Weaver, dans Alien, en 1979.https://www.ecranlarge.com/media/cache/1600×1200/uploads/image/000/965/alien-le-huitieme-passager-photo-sigourney-weaver-965741.jpg

Ridley Scott : cinéaste peintre

A la tête du film on retrouve Ridley Scott, réalisateur de Gladiator, Blade runner, American gangster ou encore Seul sur Mars. Il fait partie d’un mouvement cinématographique des années 80, où un grand nombre de réalisateur britanniques issus de la pub et du stylisme débarquaient dans un Hollywood en plein renouvellement des ses genres, avec de nouvelles images et effets spéciaux d’une beauté incroyable jamais vus à l’époque qui offrirent au film l’Oscar des meilleurs effets visuels en 1979. Alien est seulement son deuxième long-métrage, étant déjà le réalisateur de The Duellists en 1977, film avec Harvey Keitel et Keith Carradine.. La patte de Scott se reconnaît bien dans Alien avec des plans magnifiques, détaillés et valorisés par la gestion de l’espace à l’image, des plans dignes de peintures et fresques des plus grands peintres. A la différence de réalisateurs comme Scorsese ou De Palma, Scott se concentre moins sur la beauté et la complexité des mouvements de caméra mais plus sur le cadre et l’atmosphère qu’il va transmettre à travers de nombreux facteurs tels que l’intensité de l’éclairage de la scène, le décor ou encore la disposition des objets et personnages, dû à son amour pour la peinture et ses débuts dans la publicité. Dès les premières scènes du films, on assiste à l’instauration d’une ambiance pesante et mystérieuse à travers le prisme de beaucoup de cadres envahis par une brume et une obscurité omniprésentes, dans laquelle s’engouffrent les personnages. Alien est la peinture chétive de son peintre Ridley Scott, son chef d’œuvre, sa fresque de 1h57 où l’on en prend plein la vue grâce à de magnifiques plans et effets spéciaux.

Sigourney Weaver et Ridley Scott sur le tournage du film Alien en 1978. https://lecinemaavecungranda.files.wordpress.com/2017/05/alien-sigourney-weaver-ridley-scott-set-behind-the-scenes.jpg?w=1000&h=659

Dans tout ce paysage horrifique actuel d’une banalité affligeante, nous nous retrouvons face à Alien, parent de ce qu’est devenu le cinéma d’horreur, ce film culte tant il est apprécié des anciennes comme des nouvelles générations. Revoir le film de Ridley Scott quarante ans après est un pur plaisir pour les fans de cinéma d‘horreur comme pour les moins aguerris du genre, pour les plus cinéphiles comme pour les plus néophytes. On tombe sur un film bien construit dans sa structure narrative qui installe lentement et progressivement une ambiance pesante et horrifique, misant plus dessus que sur des jumpscares inutiles en masse – comme le feraient des films actuels comme La Nonne ou Annabelle -, et l’on 

retrouve également une Sigourney Weaver excellente ainsi que l’esthète anglais Ridley Scott au démarrage de leurs carrières. Il s’agit d’un monument du cinéma, d’un chef d’œuvre de l’horreur, et de l’un des meilleurs films du réalisateur britannique. Alien est, et restera un grand film, marquant de son empreinte tous ceux qui le voient, et offrant au spectateur un voyage horrifique hors de la Terre, qui se rappellera que même s’il a peur, dans l’espace, personne ne l’entendra crier.

Baptiste.L, 1ES2, 24 avril 2019.